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La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience comparable aux antidépresseurs dans la prévention des récurrences dépressives

Piet J, Hougaard E. | Clin Psychol Rev. 2011 Aug;31(6):1032-40
Olivier Andlauer

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En l’absence de traitement, les patients ayant souffert de multiples épisodes dépressifs  ont un risque de récurrence de l’ordre de 50 à 80% (1). La dépression est de ce fait une des maladies qui contribuent le plus au handicap dans le monde, et son impact personnel, et socio-économique est très important. Prévenir de nouvelles récurrences dépressives est donc un enjeu de santé publique. Les antidépresseurs sont à ce jour le traitement de choix dans la dépression récurrente. Le NICE anglais recommande de poursuivre le traitement antidépresseur pendant au moins deux ans chez les patients ayant présentés des épisodes dépressifs récurrents (2). Cependant, nombre de patients sont réticents à continuer un traitement alors que leurs symptômes ont disparus depuis plusieurs mois, ou qui peut induire des effets secondaires gênants. Les recommandations françaises de la Haute Autorité de Santé y ajoutent la possibilité d’une thérapie structurée, seule ou en association avec un antidépresseur, malgré un faible niveau de preuves (3).

La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (mindfulness-based cognitive therapy, MBCT) est une thérapie de groupe dont l’objectif est de fournir aux patients les outils pour prévenir une récurrence dépressive. Les patients apprennent des techniques de pleine conscience et cognitivo-comportementales qui visent à augmenter la prise de conscience des sensations corporelles, des pensées, et des émotions associées aux récurrences dépressives. L’objectif est pour les patients de répondre de manière adaptative à leurs pensées, émotions et sensations qui autrement pourraient conduire à une rechute. Le programme est basé sur un manuel qui codifie la pratique de la thérapie, et recommande 8 sessions de groupe hebdomadaires, et 4 sessions de rappel sur l’année suivante. La MBCT réduirait le risque de récurrence dépressive d’un tiers environ, selon une méta-analyse regroupant les données de 593 patients (4).

Dans un essai clinique publié en ligne en avril 2015 dans la prestigieuse revue The Lancet, 424 patients ayant présenté au moins 3 épisodes dépressifs et prenant un antidépresseur étaient randomisés soit dans un groupe traité par MBCT (8 sessions) avec pour objectif de réduire et arrêter le traitement médicamenteux, soit dans un groupe continuant à prendre l’antidépresseur. Après 24 mois de suivi, il n’existait pas de différence significative entre les deux groupes en terme de durée avant une récurrence, qui survenait dans un peu moins de la moitié des cas. Il est intéressant de noter que la MBCT semblait avoir un bénéfice plus marqué chez les patients ayant souffert d’abus sévère dans l’enfance, avec 47% de récurrence dans le groupe MBCT contre 59% dans le groupe antidépresseur pour ce sous-groupe de patients. L’analyse médico-économique ne montrait pas de différence entre les deux groupes en termes de dépenses rapportées aux bénéfices. Il n’existait pas non plus de différence concernant les effets indésirables sévères.

Il s’agit du plus large et rigoureux essai mené dans la dépression récurrente comparant le traitement par maintien d’antidépresseur avec la MBCT en remplacement du traitement médicamenteux. La durée de suivi est importante (deux ans), et l’approche pragmatique de l’étude permet d’en extrapoler les résultats à un plus grand nombre de patients. Cependant, les patients inclus étaient motivés pour participer à l’étude, et acceptaient a priori la possibilité d’une thérapie de groupe avec arrêt de l’antidépresseur et/ou de continuer l’antidépresseur. De plus, les 424 patients inclus provenaient de 95 cabinets de médecine générale, soit 4 à 5 patients inclus par cabinet seulement, avec donc un risque plus grand d’hétérogénéité dans les patients. Une des limites majeures de cette étude est l’absence d’un groupe contrôle incluant une thérapie de groupe sans les composants spécifiques de la MBCT, et il est donc impossible de savoir si c’est la MBCT en particulier, ou si toute intervention de groupe, aurait produit un résultat similaire.

La MBCT a donc obtenu des résultats comparables au maintien d’un traitement antidépresseur dans la prévention des récurrences dépressives à 24 mois. Il semble que le coût n’en soit pas plus avantageux qu’un traitement antidépresseur, mais pas plus élevé non plus. Cette thérapie pourrait être particulièrement intéressante chez les patients plus à risque de rechute, notamment ceux ayant subi des abus sévères dans l’enfance. Elle permet de proposer une intervention aux patients ne souhaitant pas continuer un traitement médicamenteux. Comme souvent en France, le principal problème reste l’accès à ce type de soin, du fait d’un manque de thérapeutes formés et d’une non prise en charge des psychothérapies par l’assurance maladie.

Références :

  1. Five-year outcome for maintenance therapies in recurrent depression.

Kupfer DJ, Frank E, Perel JM, Cornes C, Mallinger AG, Thase ME, McEachran AB, Grochocinski VJ.

Arch Gen Psychiatry. 1992 Oct;49(10):769-73.

  1. Depression: the treatment and management of depression in adults (update).

National Institute for Health and Clinical Excellence.

Clinical Guideline 90. 2009.

  1. ALD n° 23 – Guide médecin sur les troubles dépressifs récurrents ou persistants de l’adulte

Haute Autorité de Santé

2009

  1. The effect of mindfulness-based cognitive therapy for prevention of relapse in recurrent major depressive disorder: a systematic review and meta-analysis.

Piet J, Hougaard E.

Clin Psychol Rev. 2011 Aug;31(6):1032-40. doi: 10.1016/j.cpr.2011.05.002.

  1. Effectiveness and cost-effectiveness of mindfulness-based cognitive therapy compared with maintenance antidepressant treatment in the prevention of depressive relapse or recurrence (PREVENT): a randomised controlled trial.

Kuyken W, Hayes R, Barrett B, Byng R, Dalgleish T, Kessler D, Lewis G, Watkins E, Brejcha C, Cardy J, Causley A, Cowderoy S, Evans A, Gradinger F, Kaur S, Lanham P, Morant N, Richards J, Shah P, Sutton H, Vicary R, Weaver A, Wilks J, Williams M, Taylor RS, Byford S.

Lancet. 2015 Apr 20. pii: S0140-6736(14)62222-4. doi: 10.1016/S0140-6736(14)62222-4.

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